Le liège
Le liège dans le monde
Historique
Les premières utilisations du liège remontent à l’antiquité, vers 3000 av. J-C. Durant cette période, ce matériau est employé comme flotteur pour les filets de pêche, comme semelle de chaussures ou encore comme obturateur pour boucher les amphores. Déjà le philosophe grec Théophraste (IV-III siècle av. J-C) avait remarqué la particularité du chêne liège à reformer son écorce après récolte de cette dernière.
Au XVIIème le moine bénédictin Dom Pierre Pérignon commence à utiliser ce matériau comme obturateur pour les bouteilles de Champagne. Cependant, les bouteilles en verres sont coûteuses et donc peu répandues ce qui limite l’utilisation du liège comme obturateur. Il faudra donc attendre le développement de l’industrie du verre (fin XVIIème début XVIIIème) pour que son utilisation devienne incontournable.
Géographie
Le chêne liège occupe dans le monde une aire relativement restreinte, limitée à la façade atlantique du sud-ouest de la France, de la péninsule ibérique et du Maroc et au bassin occidental de la Méditerranée.
II couvre environ 2 150 000 ha. Parmi les sept pays présentant des peuplements importants, le Portugal est, de loin, celui où le chêne liège couvre la plus vaste surface (700 000 ha). Viennent ensuite I ’Espagne, le Maroc et l’Algérie (entre 300 000 ha et 400 000 ha chacun), alors que les surfaces sont beaucoup plus faibles en France (100 000 ha), en Tunisie (100 000 ha) et en Italie (70 000 ha).
Le liège en France
Localisation et caractéristiques des peuplements de chênes liège
En France, le chêne-liège se répartit selon les sources sur une surface comprise entre 50 et 100 000 hectares (selon que l’on parle de peuplements purs, mélangés ou en production). Il faut savoir qu’en France, l’extension maximale du chêne-liège dans le passé aurait été de 206.400 hectares. Elle était estimée à 148.531 hectares par Lamey en 1893. Cet arbre ne se retrouve à l’état spontané nulle part ailleurs dans le monde et les nombreux essais d’introduction, que ce soit en Amérique, en Russie ou au Japon, se sont soldés par autant d’échecs. Alors que dans le même temps, le taux de boisement du territoire français passait de 17 % à plus de 25 %, les superficies de chênes-lièges diminuaient quant à elles de 70 %, montrant là le peu de considération pour cette essence tout au long du siècle passé, ainsi que son oubli dans les politiques de reboisement et d’aménagement du territoire.
De nos jours seuls six départements présentent encore, dans certaines régions forestières, des peuplements relativement importants. II s'agit essentiellement de la Corse, du Var et, dans une moindre mesure, des Pyrénées-Orientales, des Landes et du Lot-et-Garonne.
90 % des peuplements de Chêne-liège appartient à des propriétaires privés. Les propriétés communales (7 % de la surface totale en moyenne) et domaniale (3 %) ne sont relativement importantes que dans le Var, où elles occupent respectivement 14 % et 6 % de la surface totale. A I ‘inverse en Corse et dans le Lot-et-Garonne, près de 100 % des peuplements appartiennent à des propriétaires particuliers.
Enfin, une autre caractéristique de l’état actuel des peuplements de Chêne-liège en France est la faible importance du type de peuplement. Les suberaies, c’est-à-dire les peuplements où le chêne liège représente plus de 50 % du couvert boisé, représente 16 650 ha seulement pour I’ensembIe des départements producteurs soit environ 15 % de la surface totale (2 % dans le Lot-et-Garonne, 22 % en Corse). Sur plus de 90 000 ha, on a donc des peuplements où les chênes liège sont plus ou moins accessoires ou dominés et épars (boisements marginaux, maquis, taillis).
Des opérations sylvicoles appropriées tel le recépage, les dégagements, les détourages et les plantations permettent d’améliorer la qualité des peuplements, et donc celle des produits obtenus.
Industrie et commerce du liège en France
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale le secteur subéricole est frappé par une récession continue, rapide et importante : en 1954, on comptait 514 établissements recensés dans le secteur « travail du liège ». On ne compte plus que 436 établissements en 1958, 340 en 1962, 242 en 1966, 184 en 1971 et quelques dizaines aujourd’hui.
L’emploi dans l'industrie du liège a subi la même régression que le nombre d’entreprises : de 8 000 ouvriers en 1942, on est passé à 5 400 en 1954, 4 500 en 1962, 3 200 en 1966, 2 500 en 1973, 2000 en 1978 et quelques centaines de nos jours.
Du fait de cette diminution de I’activité industrielle, la consommation de liège brut par l’industrie française a décru de façon importante. En 1952, la capacité de consommation de l'industrie était de l’ordre de 45 000 tonnes par an ; en 1966, les usines françaises ne traitaient plus que 35 000 tonnes, dont 15 000 tonnes de liège de provenance française et 20 000 tonnes de liège brut d’importation. Pour cette même année, 78 % de la consommation totale de liège brut était constituée de liège destiné à I’industrie de I ‘aggloméré et 22 % seulement de liège utilisable en bouchonnerie. Pour la période 1970-1975, la consommation de I'industrie n’est plus que de 18 500 tonnes par an en moyenne et, en 1976, 13 000 tonnes seulement ont été utilisés par les usines.
Parallèlement, on assiste à une pénétration de plus en plus importante du marché français par des produits finis ou semi-finis d’importation. En l’espace d’un demi-siècle, l’importation de liège brut n’a cessé de diminuer, laissant la place à l’importation de produits finis ou semi-finis.
Les conséquences de cette évolution, déjà préoccupantes au point de vue du commerce extérieur et de l’emploi, sont encore plus graves au niveau de la forêt. En effet, la diminution de la demande industrielle a provoqué l’abandon progressif de la suberaie qui, étant inexploitée et non entretenue, s’est rapidement dégradée.
Aujourd’hui la reconstitution de la suberaie méditerranéenne revêt une importance capitale non seulement pour la sauvegarde de la forêt, mais également pour l’augmentation des revenus issus de la terre et pour l’amélioration de l’emploi.
Les causes du déclin subéricole français
L’industrie française du liège s’est trouvée confrontée, pour l’écoulement de ses produits, à deux difficultés importantes : la concurrence des industries étrangères d’une part, la concurrence des matériaux synthétiques d'autre part.
La concurrence internationale est extrêmement vive, aussi bien en ce qui concerne les bouchons que les produits en liège aggloméré. Elle est essentiellement le fait des pays de la Péninsule ibérique.
Le Portugal et l'Espagne disposent en effet d’abondantes ressources en liège brut et d’une industrie bien équipée utilisant une main-d’œuvre dont le coût a été très inférieur au niveau français tout au long du XXème siècle, l’écart tendant à se résorber de plus en plus aujourd’hui.
Or, l’industrie du liège, et plus particulièrement la bouchonnerie, est une industrie de main-d'œuvre (nombreuses opérations de tri). De ce fait, le prix de revient des produits français est beaucoup plus élevé que le prix à l’importation des produits étrangers.
Les produits dérivés du liège doivent, en outre, faire face à la concurrence des matériaux de substitution.
Ceux-ci, appuyés par une industrie puissante et moderne tendent à remplacer le liège dans ses deux utilisations principales : le bouchage (capsule en aluminium déchirable ou matière plastique et bouchons en caoutchouc), et I’isolation (polystyrène, laine de verre, etc.).
Le potentiel de production
Bien que les données statistiques concernant la récolte française de liège soient fragmentaires et hétérogènes, on peut estimer que, jusqu’en 1975, la production de liège brut en France a oscillé entre 100 000 et 150 000 quintaux par an, avec cependant une tendance générale à la diminution.
Malgré des variations, I’analyse de la récolte selon les départements montre que le Var a été longtemps le premier département producteur. Actuellement, à la suite de la fermeture en 1976 de la principale usine utilisatrice (liège aggloméré d’isolation), sa production a diminué de 70 % par rapport à 1975 et n’a cessé de décroître depuis lors.
En ce qui concerne la qualité des produits obtenus, les enquêtes réalisées en 1965 et 1966 par le Service des forêts ont montré que les 127 000 quintaux par an récoltés en moyenne au cours de ces deux années se décomposaient en 28 % de liège de reproduction et 72 % de liège mâle et de liège de ramassage (liège provenant de branches ou d’arbres morts). Pour les mêmes années, la récolte portugaise s’est élevée en moyenne à 2 265 000 quintaux dont 61 % de liège de reproduction et 39 % de liège mâle. On estime qu’actueIIement, étant donné l’état des peuplements, la suberaie pourrait produire 20 % de liège « marchand » (apte à être utilisé pour I'industrie du bouchon) dans le Var et en Corse, et vraisemblablement moins encore dans les autres départements.
Dans l’état actuel des peuplements, la production potentielle, estimée à partir des données de l’inventaire forestier national, se situe dans les environs de :
- 50 000 quintaux par an en Corse
- 50 000 quintaux par an pour le Var,
- 6 000 quintaux par an dans les Pyrénées-Orientales,
- 5 000 quintaux par an dans les Landes,
- 1 000 quintaux par an dans le Lot-et-Garonne,
soit au total une production nationale potentielle d’environ 110 000 quintaux par an, dont la grande majorité serait constituée de liège utilisable uniquement en trituration.
Demain le rebond ?
Le Plan Stratégique National français de la prochaine Politique Agricole Commune permet à aux propriétaires de peuplements de chênes liège de bénéficier d’aides pour inciter à la remise en production de la suberaie française. On a vu que de nombreux peuplements de chêne liège pourraient être améliorés, procurant ainsi une production très largement supérieure à la fois en quantité et ultérieurement en qualité. Compte tenu d’une surface totale de présence du chêne liège de l’ordre de 100 000 ha et en se basant sur une récolte moyenne de 2 quintaux/ha/an (valeur pouvant être atteinte dans une suberaie normale), on pourrait facilement espérer une récolte allant jusqu’à 200 000 quintaux/an.
Concernant les débouchés, malgré l’apparition d’alternatives, le bouchage des vins de qualité est demeuré et semble devoir rester I’apanage du liège. Or, la production française des vins de qualité (appellation d’origine contrôlée, vins délimités de qualité supérieure et vins de pays) est en progression constante, et la demande de bouchons en liège également.
Enfin concernant l’isolation et les produits dérivées, les considérations écologiques accrues et les exigences des consommateurs sur la traçabilité et l’impact des produits qu’ils consomment viennent aujourd’hui renforcer le secteur subéricole.
Les utilisations industrielles du liège
Le liège est une matière première hétérogène et polyvalente dont les utilisations sont très diversifiées.
La fabrication de bouchons (pour les vins, mais aussi pour le laboratoire et la parfumerie) est son utilisation la plus traditionnelle et la plus valorisante. Mais, cette activité ne peut utiliser que des lièges de qualité supérieure et, de plus, se caractérise par un très faible rendement : 70 % de déchets.
Les lièges de reproduction de moindre qualité ou trop minces pour être utilisés en bouchonnerie sont employés dans la fabrication d’articles divers en liège naturel.
Enfin, le liège mâle et de ramassage, une partie du liège de reproduction impropre à tout autre usage, mais également tous les déchets des industries du liège naturel peuvent être utilisés dans la fabrication de granulés et d’agglomérés en liège. Cette industrie, dont I’origine remonte à la fin du XIXème siècle, fournit deux grandes catégories de produits :
- le liège aggloméré expansé pur, obtenu par traitement à chaud et sous pression de granulés de liège, sans adjonction de liant et utilisé surtout pour l’isolation thermique et le revêtement ;
- le liège aggloméré composé, obtenu à une température moins élevée afin de ne pas altérer la constitution, l’aspect et la couleur du liège, avec adjonction de liants divers, et utilisé pour la décoration, le revêtement ou dans la fabrication de bouchons et de jouets.